Le couple divin Izanami et Izanagi
La cosmogonie japonaise est racontée dans le Kojiki, et c'est donc fort logiquement cet ouvrage qui sera analysé dans cette section. Vous pourrez trouver plusieurs traductions françaises du Kojiki sans avoir à débourser le moindre centime, juste en fouinant un petit peu sur la toile. Mais je vous encourage grandement à vous tourner vers la traduction suivante, certes très difficile à se procurer aujourd'hui, mais qui demeure la meilleure d'entre toutes :
Le Kojiki. Chronique des choses anciennes, préfacé, traduit et annoté par Masami et Maryse Shibata.
Éditeur : Maison-neuve & Larose
Date de publication : 1997 (1ère éd. 1969).
Ce n'est pas de l'ensemble de l'ouvrage dont nous allons parler, mais seulement de la partie cosmogonique. Enfin, sachez que le Nihon Shoki traite également de cosmogonie, comme un complément du Kojiki, mais j'ai fais le choix de traiter ici uniquement du Kojiki, qui est pour moi LE texte cosmogonique du Japon. Voilà comment tout débuta...
AU COMMENCEMENT
Au commencement, le Ciel et la Terre ne faisait qu'un, formant une masse informe et flottante dans l'espace, tel une méduse. Lorsque le Ciel et la Terre se séparèrent pour la première fois, alors trois premiers Kami naquirent : Amano Minakanushi no Mikoto (Maître-du-Centre-Auguste-du-Ciel), Takami Musubi no Mikoto (Kami-de-la-Haute-Production) & Kamu Musubi no Mikoto (Kami-des-Naissances-Divines).
Deux autres Kami naquirent par la suite d'une pousse de roseau qui germa d'un marécage, formant ainsi tous ensemble cinq divinités primordiales, "des kami célestes distincts des nombreux autres kami célestes". Ces deux kami s'appelaient U-mashi-ashi-kabi-hi-ko-ji-no-kami et Ame-notoko-tachi-no-kami, et demeuraient eux aussi célibataires.
AU COMMENCEMENT
Au commencement, le Ciel et la Terre ne faisait qu'un, formant une masse informe et flottante dans l'espace, tel une méduse. Lorsque le Ciel et la Terre se séparèrent pour la première fois, alors trois premiers Kami naquirent : Amano Minakanushi no Mikoto (Maître-du-Centre-Auguste-du-Ciel), Takami Musubi no Mikoto (Kami-de-la-Haute-Production) & Kamu Musubi no Mikoto (Kami-des-Naissances-Divines).
Deux autres Kami naquirent par la suite d'une pousse de roseau qui germa d'un marécage, formant ainsi tous ensemble cinq divinités primordiales, "des kami célestes distincts des nombreux autres kami célestes". Ces deux kami s'appelaient U-mashi-ashi-kabi-hi-ko-ji-no-kami et Ame-notoko-tachi-no-kami, et demeuraient eux aussi célibataires.
Ensuite, sept nouvelles générations ("Les sept générations mythiques") de dieux et déesses (pour 12 divinités) virent le jour :
01. Kuni-no-toko-tachi-no-kami, ou Kami-Résidant-Éternellement-sur-la-terre (célibataire donc comptant pour une génération).
02. Toyo-kumo-no-no-kami, ou Kami-Champ-de-Nuages-Luxuriant (célibataire donc comptant pour une génération).
03. U-i-ji-ni-no-kami & Su-i-ji-ni-no-kami, ou Kami-de-la-Boue & son épouse Kami-du-Sabre.
04. Tsuno-gui-no-kami & Iku-gui-no-kami, ou Kami-Pieu-Solide & son épouse Kami-Pieu-Animé.
05. O-to-no-ji-no-kami & O-to-no-be-no-kami, ou Kami-Masculin-Grand-Pavillon & son épouse Kami-Féminin-Grand-Pavillon.
06. O-mo-da-ru-no-kami & A-ya-ka-shi-ko-ne-no-kami, ou Kami-Physionomie-Élaborée et son épouse Kami-Admirable-Perfection.
07. Izanagi-no-Kami et son épouse Izanami-no-Kami.
Bon jusque-là, il suffit juste de rester concentré sur ce qui est écrit, et tout reste aisément compréhensible malgré les noms complètement loufoques ! C'est autour du plus jeune des couples divins que la suite va se concentrer...
LA CRÉATION D'ONOGORO
Les autres Kamis célestes confient alors la tâche à Izanagi et Izanami "de réparer, de consolider cette terre qui va à la dérive", et leur offrent pour cela la Hallebarde Céleste ornée de joyaux (Tamaboko), que l'on appelle également parfois Hallebarde Céleste du Marais (Amenonuboko)*. Ces derniers, se tenant alors debout sur le Pont Flottant du Ciel (Pont imaginaire qui relie le Ciel et la Terre), ne tardent pas à agir. Le couple plonge la hallebarde divine dans l'eau, trace de grands cercles, malaxe avec force, fait clapoter l'eau puis retire la lance. À ce moment-là, des gouttes salées coulèrent de la Hallebarde, puis vinrent se superposer pour former une première île : Ono-Goro-Jima ("pilier du centre de la terre" ou "île qui se solidifie d'elle-même"). C'est l'île d'Onogoro.
* Le Kojiki parle de Amenonuboko ("Hallebarde céleste du Marais"), alors que le Nihon Shoki parle lui de Tamaboko ("Hallebarde céleste ornée de joyaux"). Nous disposons donc de deux noms pour un objet.
* Le Kojiki parle de Amenonuboko ("Hallebarde céleste du Marais"), alors que le Nihon Shoki parle lui de Tamaboko ("Hallebarde céleste ornée de joyaux"). Nous disposons donc de deux noms pour un objet.
L'UNION D'IZANAGI ET IZANAMI
Les deux dieux descendent alors sur cette île, dressent l'Auguste Pilier Céleste et érigent un vaste palais (nommé apparemment Ya-hiro-dono). Izanagi propose à Izanami de s'unir : "Alors, toi et moi allons tourner autour de l'Auguste Pilier Céleste et nous unir".
"Toi, tu tourneras à partir de la droite et moi à partir de la gauche, afin de nous rencontrer."
Lorsqu'ils tournèrent, Izanami parla la première ("Ah ! Quel homme magnifique"), Izanagi en dernier ("Ah ! Quelle belle femme"), puis s'unirent et eurent un fils : Hiruko ("l'enfant sangsue" ou "Fils du Soleil" selon les traductions). Horrible et né sans os, ils se débarrassent de cette abomination en le laissant dériver sur un esquif de roseaux. Ensuite, ils donnèrent naissance à l'île d'Awashima (Ahaji - "l'écume"), toute aussi laide.
Surpris de mettre au monde des êtres aussi peu parfaits, le couple décide alors d'aller interroger les autres kamis célestes. Leur réponse est sans appel : "Ce n'était pas bien que la femme parle la première. Retournez. Descendez et répétez tout."
Les époux redescendirent sans tarder sur l'île et recommencèrent leur procession, mais cette fois-ci, Izanagi parla le premier, Izanami la dernière, puis ils s'unirent et conçurent un fils : l'île d'Awaji. Suivent alors sept autres îles : L'île Iyo, l'île "Trois-Fils-d'Oki", l'île de Tsukushi, l'île d'Iki, l'île Tsu, l'île de Sado, puis enfin la grande île de "Yamato-aux-Moissons-Luxuriantes" (correspondant au Honshu actuel). Cet ensemble de huit îles est alors appelé "Pays des huit grandes îles".
Après ces huit premières îles, six autres sont enfantées : l'île de Ko, l'île d'Azuki, l'île d'O, l'île de Hime, l'île de Chika, et l'île de Futago. Cela fait donc au total 14 îles enfantées, car la première, celle d'Awa n'est pas comptabilisée (c'est un échec).
Après les îles, le couple va enfanter par la suite une série d'autres kami, au nombre de 35. Il serait fastidieux de les lister tous, mais sachez qu'il s'agit des kamis des arbres, des océans, des montagnes, des rochers, des plaines, des mers, des fleuves, des bois, du feu,... Parmi les noms importants, on peut citer Owatatsumi (Grand possesseur de l'océan), Kamihaya Akitsu (contrôle les terres), Haya Akitsu Hime (contrôle la surface des mers). ou encore Kagutsuchi, le dieu du feu, qui est le dernier à sortir du sexe de sa mère, et qui lui brûle mortellement les organes féminins.
LA MORT D'IZANAMI
Mourante, Izanami est alitée, mais de ses vomissures naissent deux Kami, Kanayama Biko et Kanayama Hime (dieu et déesse du métal). Comme si cela ne suffisait pas, deux Kamis naissent des ses excréments, et deux autres de son urine, puis elle meurt de ses brûlures et rejoint le Royaume des ombres. Elle est inhumée au Mont Hiba.
Fou de rage, Izanagi, dégaine alors sa longue épée ("Totsuka no Tsurugi") et tranche le cou de Kagutsuchi, responsable de la mort de sa mère. Le sang qui s'échappe alors de la blessure donne naissance à toute une série de Kami, 16 pour être plus précis, dont voici les noms : Kami-Tranchant-la-Roche, Kami-Tranchant-la-Racine, Kami-Masculin-Conduite-de-Pierres, Kami-de-la-Rapidité-Solennelle, Kami-de-la-Rapidité-Enflammée, Kami-Masculin-Tonnerre-Violent, Kami-Esprit-de-l'Eau-de-la-Vallée, Kami-Esprit-du-Vallon, Kami-de-la-Montagne-au-Premier-Plan, Kami-de-la-Montagne-au-Second-Plan, Kami-de-la-Montagne-à-l'Arrière-Plan, Kami-des-Vallée-et-Montagne, Kami-de-la-Montagne-Boisée, Kami-du-Pied-de-la-Montagne, Kami-du-Plateau & Kami-des-Montagnes-Extérieures.
Ne pouvant vivre sans sa dulcinée, Izanagi décide alors d'aller la retrouver aux Enfers.
AU PAYS DES ENFERS
Parvenu aux Enfers (dans la province d'Izumo), Izanagi voit sa femme et lui dit : "Oh ! Ma chérie ! Oh ! Toi, ma femme ! Les pays que toi et moi nous avons créés ne sont pas encore achevés. Reviens."
Heureuse de voir que son mari a fait tant d'efforts pour la rejoindre, elle lui annonce malgré tout qu'elle a déjà mangé la nourriture préparée pour elle et que, par conséquence, elle ne pouvait désormais plus revenir à la surface.
"Cependant, je te suis reconnaissante à toi, mon bien-aimé époux, d'être venu spécialement pour cela. C'est pourquoi j'ai envie de rentrer. Je vais essayer de m'entretenir un moment avec le kami du pays des Enfers. Pendant ce temps, tu ne devras pas me regarder."
Izanagi en fait la promesse et attend longtemps son retour, très longtemps, trop longtemps, au point de perdre patience et d'en oublier sa promesse. Il casse alors une dent de son peigne pour s'en faire une torche, puis regarde son épouse.
"Alors il découvrit le corps de sa femme couvert d'une multitude de vers grouillants et à sa tête le grand tonnerre, à sa poitrine le tonnerre flamboyant, à son ventre le tonnerre noir, à son sexe le tonnerre déchirant, à sa main gauche le tonnerre jeune, à sa main droite le tonnerre au sol, à son pied gauche le tonnerre bruyant, à son pied droit le tonnerre foudroyant. Tous les huit kami du tonnerre étaient nés en parasitant sur elle."
Terrifié par cette vision, Izanagi s'enfuit alors. Sa femme s'écria alors : "Comment oses-tu m'humilier de la sorte ?!" et lança à sa poursuite "les femelles répugnantes des Enfers".
"Izanami le fit poursuivre par les huit kami du tonnerre auxquels elle ajouta 1500 soldats des Enfers".
Pour se défendre, Izanagi tire son épée et combat tout en s'enfuyant. Il ramasse trois pêches puis les lance sur ses assaillants, qui prennent alors la fuite. Mais Izanami le poursuit encore et le dieu doit se résoudre à refermer l'entrée des Enfers à l'aide d'un immense rocher. Les deux kami se retrouvent donc chacun d'un côté du rocher, et échangent les paroles de séparation du couple.
Izanami proclame : "Oh ! Toi, mon mari chéri ! Si tu en décides ainsi, j'étranglerai 1000 personnes par jour parmi les gens de ton pays." Izanagi lui répond alors : "Oh ! Toi, ma femme chérie ! Si tu agis ainsi, j'établirais 1500 maternités par jour".
Izanami fut alors nommée Grande-Kami-des-Enfers.
LA NAISSANCE DE SUSANO-O ET D'AMATERASU
Revenu d'un pays sale et répugnant, Izanagi décide de procéder à des ablutions et s'en va à Ahakibara, au bord de la rivière aux Orangers. Douze Kami naissent de ses vêtements retirés, puis de ses quatorze ablutions, 14 autres Kami, pour un total de 26 Kami. Parmi eux, les plus importants sont Tsukiyomi, le kami de la Lune (né en se lavant l'œil droit), Susano-o, le kami de l'orage (né en se lavant le nez) et surtout Amaterasu Omikami, la déesse du Soleil (née en se lavant l'œil gauche).
"J'ai procréé ! J'ai procrée et à la fin de cette procréation, j'ai obtenu trois enfants nobles."
Izanagi donne alors son collier à Amaterasu et lui demande d'aller briller au milieu du ciel, ce qu'elle accepte. Il demande également à Tsukiyomi de régner sur la nuit et à Susano-o de gouverner les mers, ce qu'ils acceptent à leur tour.
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C'est ici que j'ai décidé d'arrêter mon récit, puisque la suite du Kojiki ne concerne plus la cosmogonie à proprement parler. Vous pourrez trouver la suite du récit (ma foi fort passionnante) dans la section Les mythes.
Alors ? Passionnant, n'est-ce pas ? Bien sûr, le style du récit est un peu trop direct à mon goût, avec quelques lourdeurs, mais si l'on reste concentré, alors tout va bien. La principale difficulté vient bien entendu du nom des Kami, très nombreux et bien trop souvent traduits en français, ce qui donne des choses étranges. Ainsi, Amaterasu Omikami s'appelle dans beaucoup d'ouvrages "Grande-Auguste-Kami-Illuminant-du-Ciel". Si vous ne savez pas qu'il s'agit d'elle, vous voilà dans de beaux draps !!
J'espère que vous avez passé un aussi bon moment que moi à lire ce récit, et qu'il vous aidera dans la suite de vos recherches sur la mythologie japonaise. Car mon but est de vous donner des pistes et du contenu concret sur les sources primaires, bien trop souvent inaccessibles ou difficile à acheter.